La haute joaillerie se met aux bijoux à pierres empilées
Durant ces dernières années, nous avons connu la mode du port de bagues en accumulation, puis des bracelets. Ensuite, l’engouement s’est porté sur la superposition des colliers, connu sous le hashtag #neckmess. Désormais, les créateurs de bijoux travaillent sur une tendance de superposition maximaliste, mais sur une seule pièces : les bijoux à pierres empilées. Ils superposent pierre sur pierre dans leurs créations, créant des designs littéralement époustouflants en termes de nombre de carats… Ainsi que de zéros sur l’étiquette du prix.
De telles créations avec pierres précieuses doublées, voire même triplées, ont été présentées en juillet dans les collections de haute joaillerie de marques comme Dior, Boucheron ou Cartier.
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Les bijoux Cartier à pierres superposées de ces dernières semaines
Cartier, par exemple, a présenté sa bague Phaan avec un diamant taille rose de 4,01 carats presque caché sous un rubis de 8,20 carats. Jacqueline Karachi, directrice du studio de création de haute joaillerie de Cartier, a déclaré que cette association créait l’illusion que le diamant donne « de la profondeur et de l’intensité à la couleur du rubis, trompant ainsi nos sens ».
Les diamants de la suite La Star Du Nord de Louis Vuitton, qui fait partie de la collection de haute joaillerie commémorant le bicentenaire de la maison de haute couture, comporte un diamant de 10,07 carats taillé dans le motif étoilé typique de la maison et placé sur le nœud d’un collier LV à deux rangs serti d’environ 850 diamants. La pierre peut également être retirée et ajoutée sur une bague sertie de diamants en forme de V.

Les bijoux Kissing de Boghossian
Roberto Boghossian, associé directeur du joaillier genevois Boghossian, a déclaré que l’art d’empiler des pierres s’est développé à partir de la technique d’incrustation traditionnelle de la joaillerie, via laquelle la section d’une pierre précieuse est découpée afin de pouvoir accueillir une autre pierre.
Il y a environ 10 ans, sa société a développé une technique d’empilement baptisée Kissing. Selon M. Boghossian, le travail requis sur les pierres d’une pièce Kissing peut prendre des semaines, voire des mois, car il faut prendre en compte les proportions, la profondeur, la hauteur et la couleur des pierres. Mais cet équilibre complexe « apporte au final du raffinement, de la sophistication et beaucoup de souplesse » à la création, a-t-il déclaré.
Après s’être initialement concentrée sur les bagues et les boucles d’oreilles, la maison s’est récemment mise à travailler sur des colliers Kissing. Notamment une pièce époustouflante sertie d’une opale Boulder de 267,90 carats, de 4 autres opales Boulder totalisant 155,15 carats, de perles d’aigue-marine et une combinaison de diamants incrustés par la méthode Kissing de saphirs et de turquoises.
Cette profusion de pierres précieuses a un prix
Parmi les autres nouveautés des bijoux Boghossian, on trouve un tour de cou en maillons de cristal de roche sertis de 5 pierres : un saphir, une aigue-marine et 3 tourmalines (Paraiba, verte et rose), chacune associée à un diamant.
Les prix, comme ceux de presque toutes les bijoux de haute joaillerie présentés en juillet, ne sont disponibles que sur demande. Mais M. Boghossian a précisé que les pièces Kissing, comme de nombreux bijoux de haute qualité, « peuvent atteindre des prix importants en raison des pierres précieuses rares utilisées, en fonction de leur qualité et de leur taille. »

Le cristal de roche est fréquemment apparu dans les bijoux avec pierres empilées, car sa transparence accentue l’effet de superposition tout en offrant un style contemporain. La collection de haute joaillerie Holographique des bijoux Boucheron, présentée en juillet à Paris, comportait un collier futuriste composé de tranches de cristal de roche, chacune saupoudrée de titane fondu et d’argent pour un effet holographique réussi.
Selon la maison, cette pièce a nécessité plus de 600 heures de travail. Elle est parée de 3.675 diamants dominés d’un saphir jaune de 20,21 carats. Le collier est proposé accompagné d’un bracelet assorti, serti d’une tourmaline rose de 14,33 carats, et d’une bague dotée d’une tourmaline bleu-vert de 4,61 carats.
Les bijoux à accumulation de pierres de Boodles
Chez le joaillier britannique Boodles, la bague Havana de sa dernière collection s’inspire du monde des voyages. L’anneau comporte un diamant à taille poire jaune-orange de 3,03 carats entouré d’émail orange vif et de cristal de roche placé sur des rayons d’or sertis de diamants. Rebecca Hawkins, responsable du design de la marque, a déclaré que la couche de cristal de roche donnait au design « une sensation très tactile et sinueuse », tout en permettant d’atténuer aussi l’éclat des plus petits diamants. Cette configuration permet de mieux mettre en valeur la pierre centrale de cette bague Havana.
La maison de joaillerie londonienne David Morris aime utiliser des diamants à taille en rose pour la superposition car la taille, en plus d’être une marque de fabrique maison, augmente la transparence d’une pierre et offre une base plate.
Selon le designer principal de la maison, Devyn Downing, la maison a serti des pierres à taille en roses sur des diamants blancs, généralement en forme de poire, de sorte que la lumière se reflète à travers les pierres supérieures. Il a comparé le résultat obtenu à l’effet kaléidoscopique : « C’est un peu magique, il y a quelque chose de fantasque et de beau là-dedans. »
Diamants roses empilés pour David Morris
Les diamants roses empilés font désormais partie du répertoire de David Morris. La nouvelle paire de boucles d’oreilles Duchesse garnies de diamants à taille en rose sur des diamants roses à taille brillant propose des reflets encore plus colorés, selon M. Downing. Cette disposition permet de créer un minuscule univers propre en dessous de chaque pierre à taille en rose, a-t-il précisé.
L’empilement des couleurs est depuis longtemps une caractéristique de Pomellato. C’est pourquoi le joaillier italien a célébré le 20e anniversaire de sa collection phare Nudo en doublant et triplant les pierres précieuses de couleur. De fines couches de topaze bleu ciel, de turquoise et de nacre combinées pour un bleu en sourdine offrent des effets visuels originaux, tandis que la topaze blanche transparente est fusionnée à la nacre pour un look crémeux.

Des bijoux à pierres empilées à effet kaléidoscopique
Les bijoutiers confessent que l’un des plus grands défis des bijoux à pierres superposées est d’obtenir un dégagement standard de quelques millimètres entre les pierres, et ce afin d’éviter les rayures. Mais ces espacements ajoutent également de la dimension aux designs, comme c’est le cas pour la nouvelle broche de luxe libellule de Cindy Chao avec ses gros diamants et émeraudes posés au-dessus d’un mélange de pavés de diamants, de tsavorites, de saphirs, de démantoïdes et d’alexandrites aux couleurs changeantes.
Les espaces entre les pierres larges et pavées créent au final des couleurs douces et mixtes, a déclaré Mme Chao, et ce en fonction de l’angle de vision de la pierre précieuse. « Vous verrez beaucoup de vert et de bleu à travers les espaces vides, » a déclaré la designer taïwanaise, « alors qu’à d’autres moments, vous ne verrez qu’un spectre de lumière très brillant se reflétant sur les diamants de la couche supérieure, ce qui amplifie les teintes bleues et vertes. » Pour un résultat très « kaléidoscope », en effet, pour paraphraser Devyn Downing.